«15.08.2013
Eolien et nucléaire : l’un peut-il remplacer l’autre ?

Ce texte est une excellente réponse à ceux qui comparent l’énergie nucléaire à l’énergie éolienne.
Il est extrait d’une lettre qui a été envoyée en été 2013 par François Bonnet, membre de Paysage Libre (Suisse) à l’Hebdo, à la suite d’un article de Chantal Tauxe qui fustigeait les anti-éoliens.

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***
« Madame,
  Une centrale nucléaire « moyenne » actuelle : 1 GW de puissance (Mühleberg, environ la moitié).
Une éolienne moyenne actuelle : 3 MW de puissance.
Il faut donc environ 330 éoliennes pour obtenir la même puissance installée qu’une centrale nucléaire.
Mais pour obtenir la même production d’électricité, l’affaire se corse. En effet, la centrale thermique (qu’elle soit au gaz, au charbon ou nucléaire) a pour caractéristique principale de pouvoir fonctionner en ruban, soit de manière constante, et cela jusqu’à environ 90 % du temps, c’est-à-dire quelque 7900 heures par an (les 10 % restants étant consacrés à diverses causes, telles qu’entretien ou imprévus). Alors qu’une éolienne moyenne en Suisse produit un équivalent de sa puissance maximale correspondant à environ 1500 heures par an, un peu moins sur les crêtes du Jura, un peu plus du côté de Martigny. Si donc l’on veut produire avec des éoliennes la même quantité d’énergie qu’une centrale thermique (nucléaire, ou à gaz, ou à charbon) de 1 GW, il n’en faudra pas 330 mais environ 5 fois plus, soit entre 1600 et 1700.
De plus, le caractère intermittent de la production d’électricité éolienne contraint les producteurs à assurer leurs arrières lorsque le vent ne souffle pas. Comment le font-ils ? En recourant à des centrales thermiques ! C’est ainsi que l’Allemagne, championne de l’éolien, a actuellement en projet la construction ou la rénovation de 18 centrales thermiques, une bonne partie d’entre elles au charbon, les autres au gaz, pour assurer aux consommateurs une production d’énergie correspondant en permanence à la demande.
C’est ainsi également que ce pays, de même que le Danemark, font face à une situation rocambolesque lorsque, à l’inverse, beaucoup de vent souffle sur leur territoire : le prix de l’électricité s’effondre jusqu’à devenir négatif… au grand plaisir, notamment, des producteurs d’électricité norvégiens qui achètent ce courant à un prix presque nul pour stocker dans leurs barrages hydro-électriques de l’eau montée par pompage.
Vous l’aurez, je l’espère, compris : il est insensé d’évoquer en Suisse la production électrique d’éoliennes dans le débat sur la sortie du nucléaire, parce que, d’une part, l’électricité nucléaire est en ruban et l’éolienne intermittente, et d’autre part parce que les ordres de grandeur concernés sont sans commune mesure. Nos cinq centrales nucléaires actuelles assurent 40 % environ de notre électricité, alors qu’il faudrait 1000-1300 éoliennes pour assurer 5-7 % de la consommation actuelle. (Je n’ai jamais été pro-nucléaire, mais il faut savoir de quoi l’on parle.)
Notons que jusqu’ici, ce qui vaut pour l’éolien vaut également pour le solaire photovoltaïque, qui présente le même inconvénient de l’intermittence.
Mais toute personne ayant un peu creusé ce dossier en convient rapidement : il faut encourager le photovoltaïque et se détourner sans hésiter de l’éolien. Pourquoi ? C’est ici qu’intervient la notion d’aménagement du territoire.
La question de l’impact des éoliennes sur le territoire n’est pas une question d’esthétique. Il s’agit de savoir si nous acceptons, dans l’un des pays les plus densément urbanisés de la planète, de transformer en zones industrielles les derniers espaces peu ou pas construits du pays. Là est la vraie question, qui va bien au-delà de « moche » ou « pas moche ». Planter 1000 ou 2000 éoliennes sur la Suisse représenterait un massacre en règle d’une ampleur sans précédent dans l’histoire de l’aménagement du territoire national.
Le photovoltaïque, en revanche, ne présente aucunement cette menace, car on peut l’intégrer sans peine sur le domaine déjà construit ou urbanisé. De plus, il est avéré (étude de Météotest) que le potentiel énergétique du photovoltaïque est environ le triple de celui de l’éolien en Suisse. Enfin, le photovoltaïque présente en plus l’avantage énorme de pouvoir être réparti sur l’ensemble du territoire de manière très décentralisée, ce qui réduit fortement les problèmes de saturation des réseaux permet de plus le stockage du courant sur place (d’excellents accumulateurs sont en voie de se généraliser).
On le voit, s’il faut en Suisse promouvoir une énergie renouvelable intermittente, c’est sans conteste du côté du photovoltaïque qu’il faut se tourner.
Urgence énergétique ? De quoi parlez-vous ? Il y a actuellement en Europe surproduction d’électricité. Seuls semblent être pressés en Suisse ceux qui ont de l’argent à gagner en produisant de l’éolien subventionné, qui roulent sur du velours après Fukushima pour faire peur aux populations en prétendant que la pénurie guette…
Enfin, ultime « argument » de votre article, l’intérêt public. Y a-t-il un intérêt public à promouvoir en Suisse une forme d’énergie très marginale quantitativement, à un prix territorial gigantesque, alors qu’il n’y a aucune urgence et que de nombreuses alternatives s’offrent de toute manière (économies d’énergie, isolation des bâtiments, géothermie, photovoltaïque etc.) ? La question doit être posée, et sa réponse doit reposer sur une analyse sérieuse des réalités.
Pour résumer, on peut déceler trois raisons principales, combinables, d’être pro-éolien en Suisse :
– avoir de l’argent à gagner, grâce au subventionnement garanti par la RPC (rétribution à prix coûtant). C’est le cas des communes concernées, des propriétaires des terrains, des producteurs-distributeurs, ainsi que de leurs porte-parole rémunérés (telle Mme Isabelle Chevalley). Et c’est le principal moteur de la dynamique éolienne en Suisse actuellement ;
– être ignorant des réalités des tenants et aboutissants de la problématique énergétique en Suisse. En particulier, ne pas être au clair sur les caractéristiques respectives de l’éolien et du nucléaire ;
– être insensible à la nécessité de conserver le peu d’espaces non construits qui restent dans ce pays ;
En conclusion, Madame, l’affligeant brouet que vous avez servi aux lecteurs de L’Hebdo reprenait le catalogue quasi complet d’un prêchi-prêcha pro-éolien de café du commerce qu’on peut tolérer de la bouche du citoyen lambda non informé et plus prompt à parler qu’à se documenter, mais qui est inadmissible de la part de la rédactrice en chef adjointe d’un hebdomadaire ayant quelques prétentions à la qualité. J’ose espérer que vous ne répéterez pas ce calamiteux exercice en cette matière aussi passionnante que délicate qu’est la problématique énergétique. Mais quoi qu’il en soit, de grâce, situez le débat à la hauteur qu’il mérite… et que méritent vos lecteurs.
Et pour ce faire, étudiez le dossier !
On rougit de devoir donner ce conseil à une personne dont ce devrait être le premier réflexe professionnel.
Veuillez agréer, Madame, mes salutations distinguées. »

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